Créer une agence, c’est aussi créer un réseau.
C’est même quasiment la première case à cocher une fois l’administratif terminé : rendre visible le projet.
Alors comme beaucoup je me tourne vers LinkedIn, le réseau pro par excellence.
Un espace d’opportunités, de partages, de connexions.
Et je tombe sur un mur.
Pas un mur d’opportunités, non. Un mur de contenus.
Des punchlines. Des success stories à trous. Des phrases toutes faites avec des mots comme valeur, authenticité, impact. Et puis, ce ton si particulier, ce « je vous raconte ma vie pour mieux vous vendre ma méthode ».
Bienvenue sur LinkedIn, version 2025.
Pas un réseau. Un marché.
Et pas n’importe lequel : le marché de la visibilité.
Tous influenceurs, mais sans le dire
Sur les autres réseaux, au moins, c’est clair.
Quand quelqu’un vend un programme minceur ou une gourde à paille rétractable, c’est assumé. C’est une « collab », c’est écrit, il y a un filtre, un code promo, un storytelling de marque.
Le deal est net.
Sur LinkedIn, en revanche, c’est plus flou.
On ne vend pas une gourde, on vend une méthode, une posture, un personal branding, une philosophie.
Et surtout, on ne vend pas : On « partage de la valeur ».
Mais à l’arrivée, le process est exactement le même : visibilité → captation → tunnel → vente.
Je te raconte comment j’ai transformé ma vie pro → tu veux en savoir plus → je t’offre un PDF → tu donnes ton mail → je te relance 5 fois (→ tu craques ou tu te désabonnes).
Et le plus beau ? On dit que ce n’est pas de la pub, on appelle ça s’appelle de l’inbound marketing, et que c’est différent parce que « non intrusif ».
L’inbound : la publicité post-vérité
La promesse est belle : ne plus avoir à prospecter.
Publier, partager, inspirer. Laisser venir les clients à soi.
Ça ferait rêver n’importe quel commercial ou entrepreneur.
Et c’est exactement ce qu’on nous promet, enrobé dans une belle couche de techno, de nouveauté et de générosité. Grâce à ma méthode, plus besoin d’aller chercher les clients, ce sont eux qui viennent spontanément.
Pourtant, quand on gratte un peu, la réalité est toute autre. Il faut continuer de communiquer pour être visible, et être en mesure d’offrir un échantillon de la méthode miracle… Un PDF “offert” contre ton mail. De la com et un échantillon… Très novateur en effet.
Et c’est là qu’on touche au cœur du problème : on déguise la prospection en dialogue.
On se présente comme expert du marketing « non intrusif », mais on embarque la cible dans un tunnel de vente à base de relance ad nauseam.
Le tout, avec le sourire et beaucoup de condescendance pour ceux qui renâclent face à la méthode.
LinkedIn n’est plus un réseau : c’est un tunnel
Le réseau, au départ, c’est un espace d’échange. Un terrain de jeu. Un endroit pour comprendre, croiser des points de vue, peut-être travailler ensemble.
Mais aujourd’hui, LinkedIn est devenue une machine à s’auto-alimenter l’algorithme.
L’algorithme valorise la visibilité.
La visibilité devient le produit.
Le produit devient sa propre preuve. (Vous avez vu mon post, c’est que je sais faire de la visibilité.)
La preuve incite à reproduire le schéma. (Puisque ça fonctionne…)
Tu publies → tu gagnes en portée → tu vends une méthode pour avoir de la portée → tu montres que ça marche → tu republies → etc.
C’est une boucle d’auto-validation.
Un écosystème fermé où la légitimité se mesure au volume d’engagement généré par lui-même.
Casser le game
C’est comme ça que LinkedIn s’est enfermé dans son propre piège. Comme pour toute nouvelle technologie, certains s’y sont intéressés, en sont devenus experts, et tentent de gagner leur vie avec, ce qui est tout à fait légitime.
Le problème c’est que par la direction qu’a pris son algorithme, LinkedIn n’est capable que de se vendre lui-même.
Alors on redouble de formules choc, pour essayer d’exister en dehors de cette bulle dans laquelle on s’est enfermé, on essaie de faire croire que par la nature de LinkedIn de réseau social-pro, on va pouvoir aider à toucher des entreprises et développer la clientèle grâce à des méthodes de vente novatrices, on dénigre les anciennes méthodes commerciales… Mais finalement rien de réellement nouveau sous les cocotiers. Les professionnels sont des humains comme les autres… et les inbound marketeurs des influenceurs comme les autres.
Je vais continuer à utiliser LinkedIn à l’ancienne, parce que je reste persuadé que partager sa vision, ses valeurs, sa manière de voir les choses, c’est une vraie manière de faire du business. Pas immédiat. Pas mesurable. Mais solide.
Ce n’est pas une stratégie ROIste.
C’est une posture. Une présence.
Et c’est ça, pour moi, l’usage initial de LinkedIn : des professionnels qui se rencontrent sur autre chose qu’un besoin immédiat ou une promesse démesurée.
Le ROI, je le garde pour mes clients.
Et si on est suffisamment à le faire, peut-être que l’algorithme sera modifié, et que ce réseau redeviendra vraiment social.
Professionnel. Et humain.