Démilitariser le langage marketing

“Cible.” “Acquisition.” “Campagne.” “Guérilla marketing.”

On pourrait croire à un lexique militaire. C’est pourtant le vocabulaire quotidien de la communication et du marketing. Et ce n’est pas anodin.

Depuis des décennies, notre métier s’est structuré autour d’un imaginaire de conquête. Il aurait été possible de parler de rencontre, de dialogue, de présence. On a préféré parler d’attaque, de territoire, de parts de marché. On a rendu les gens abstraits, convertibles en indicateurs. Et tout le monde a suivi, comme si c’était normal.

Mais ce n’est pas qu’une question de mots. C’est une façon de penser les autres. Et donc de produire du contenu.


Communiquer à des cibles vs Parler à des humains

Ces mots viennent de l’époque où la publicité achetait des espaces sur quelques canaux puissants. Où parler fort suffisait à se faire entendre. Où l’audience était passive par défaut.

Mais ce temps est révolu. Aujourd’hui, chacun choisit ce qu’il regarde, ce qu’il suit, ce qu’il ignore. L’attention n’est plus un dû. Elle se mérite. Et la parole omniprésente perd en puissance quand elle ne respecte pas.

Dans ce contexte, continuer à parler de “cibles” n’est pas seulement une maladresse. C’est une erreur stratégique. Parce que derrière ce mot, il y a une posture : celle de celui qui veut atteindre, forcer, convertir. Et cette posture ne crée ni intérêt, ni confiance.

Parler à des humains, ce n’est pas être naïf. Ce n’est pas renoncer à la stratégie. C’est changer de point de vue. Accepter la complexité. Travailler dans la nuance. Miser sur le long terme.


Se mettre à la place. Pour de vrai.

Chez Blank Space, on fait un exercice tout simple – mais souvent oublié : se demander, très concrètement, ce que ça fait d’être la personne qui reçoit notre message.

Pas en théorie. Pas sur une fiche persona. En vrai.

Est-ce qu’elle est disponible ? Est-ce qu’elle en a quelque chose à faire ? Est-ce qu’on vient de l’interrompre, de lui parler comme à un profil type, de lui vendre une promesse de plus ?

Parfois, la réponse est non. Et dans ce cas, il faut savoir se taire. Ou dire autrement. Ou dire moins.

Parler, dans ce contexte, veut surtout dire écouter. Prendre au sérieux la fatigue attentionnelle. Accepter que l’impact ne se décrète pas, qu’il se construit. Que les gens ne sont pas des “segments à activer”, mais des personnes à rencontrer.

Ce n’est pas de l’idéalisme. C’est une exigence de justesse.


Se tirer une balle dans le pied (volontairement)

Notre métier repose sur la communication. Mais notre responsabilité, c’est aussi de savoir quand ne pas communiquer. Ou du moins, ne pas communiquer comme avant.

Une communication plus sobre, plus attentive, c’est parfois moins de bruit. Donc, parfois, moins de budget. Moins de projets. Moins de business à court terme.

Mais on s’en moque.

Parce que c’est le prix de la cohérence. Parce que c’est ce qu’on propose à nos clients : de sortir de la logique d’agression pour entrer dans une logique de relation. Et parce que ce changement de regard, s’il est sincère, finit toujours par se voir. Et par porter ses fruits.

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